D’où vient la peur du vaccin ?

Des gens sont prêts à subir une anesthésie générale et refusent pourtant de se faire vacciner. Un psychologue explique d'où vient cette résistance souvent irrationnelle.

La plupart des gens savent que la voie la plus prometteuse pour sortir de la pandémie et retourner à une vie quotidienne normale est la vaccination. Mais parallèlement on compte de plus en plus d’opposants farouches à la vaccination, très présents sur les médias sociaux. Certains n’hésitent pas à parler d’un plan de génocide concocté par des puissants tapis dans l’ombre.

Sous le hashtag « #IDon'tVaccinate », des centaines de personnes expliquent les raisons de leur refus catégorique. Certains craignent les effets secondaires et les conséquences à long terme du vaccin. D’autres nient l'existence même du coronavirus. D’autres encore considèrent qu'une alimentation saine et l'exercice physique constituent une protection suffisante. Il existe ceux qui estiment l'approbation trop rapide, d’autant plus que le vaccin ARN messager est une méthode nouvelle, sans savoir que des chercheurs y travaillent depuis une trentaine d’années. Enfin, certains soupçonnent l'industrie pharmaceutique, Bill Gates et les puissances occultes derrière les campagnes de vaccination. Elles croient même que des puces sont présentes dans le vaccin et destinées à modifier leur propre ADN. Les raisons alléguées sont toujours fumeuses, mais l’idée est bien présente d’un désir de faire des milliards êtres humains de dociles moutons, pour le bien-être d’une minorité occulte.

Rien ne vient étayer ces théories du complot évoquées ci-dessus. Les experts en vaccination ne voient aucune raison de s'inquiéter outre mesure : les effets secondaires connus à ce jour, tels que des douleurs aux membres ou au point d'injection, correspondent aux réactions habituelles à toute vaccination. Les études n'ont révélé que des cas très isolés de réactions plus graves.

Pourtant, un peu partout dans le monde, de nombreuses personnes semblent plus troublées par les rumeurs sur les prétendus effets tardifs et les faux rapports que par les images et les nouvelles terribles produites par la pandémie : crématoriums surpeuplés, personnel infirmier débordé, morts solitaires, etc.

« Une peur spécifiquement humaine »

« Pourquoi certaines personnes fuient-elles les risques supposés de la vaccination, tout en prenant l'avion, en subissant une anesthésie générale lors d'opérations ou en consommant des aliments aux ingrédients nocifs ? », se demande Marie Illner, du magazine de santé « Gesundheit » dans un article paru le 14 janvier dernier.

La réponse, la consœur l’a trouvée dans le travail de recherche réalisé par des scientifiques sur la peur de Corona et le scepticisme à l'égard de la vaccination en Allemagne. Pour Peter Kirsch, psychologue allemand et directeur de l'Institut central de santé mentale de Mannheim (Allemagne) qui a géré cette recherche, « il n'y a pas qu’un seul mécanisme qui explique ce comportement en partie illogique des opposants et des sceptiques de la vaccination. »

Dans cette résistance, plusieurs éléments se conjugueraient, selon Kirsch. « L'un des aspects qui fait que les risques de la vaccination sont perçus comme si menaçants par certains est que les gens peuvent imaginer de manière très concrète une issue fatale de la vaccination. », indique-t-il. Par exemple, ils peuvent imaginer un choc anaphylactique, une réaction allergique immédiate et généralisée, conduisant en très peu de temps à la mort. « Pour d'autres comportements à risque - comme la consommation d'aliments contenant des ingrédients nocifs - le scénario n'est pas aussi direct et concret », précise Kirsch.

Il donne un autre exemple : « Il est également irrationnel que les gens se rendent en voiture à l'aéroport sans se faire du souci et qu'ils aient ensuite peur de prendre l'avion, même si c'est la partie du voyage la plus sûre. » Cela peut s’expliquer, ajoute-t-il, par le fait que ces personnes ont dans leur esprit une image concrète de l'avion s’écrasant au sol et qu'elles perdent tout contrôle de la situation.

L’expert Kirsch pense qu’avec la vaccination, cela pourrait être un phénomène similaire : « On injecte quelque chose dans le corps sur laquelle nous n’avons aucun contrôle ». C’est une peur spécifiquement humaine. « De telles prédispositions pourraient être activées pendant la vaccination. Ce n'est pas non plus une coïncidence s'il existe une phobie du sang et des seringues, mais aucune phobie des brosses à dents. »

Cette insécurité renforcée par le fait que le vaccin contre le Sars-CoV2 est nouveau, est alimentée par les anti vaccins. « Les opposants à la vaccination sont devenus très bruyants et ont influencé le discours. Cela suscite chez les autres un sentiment d’insécurité. »

Mais il s’agit d’une minorité de sceptiques. Mais ils apparaissent plus grands qu’ils ne le sont en réalité. Du coup, les autres se disent que « s'il y a tant d'opposants et de sceptiques, peut-être qu'il doit y avoir quelque chose ».

La recherche sur les décisions économiques montre également que les gens ont une aversion pour le risque, rappelle le spécialiste. « Ils choisissent l'alternative apparemment plus sûre, même si cela signifie renoncer à un bénéfice », fait remarquer Kirsch. Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras ? « Appliqué à la vaccination, cela signifie que la récompense qui pourrait nous attendre tous au second semestre serait le retour à une vie quotidienne normale », complète Illner.

Les opposants à la vaccination ont peur que quelque chose puisse arriver après s’être fait vacciner. « De toute évidence, certains continuent d'accorder plus d'importance au risque qu'à la récompense qui se trouve dans l'avenir », signale Kirsch. Le risque d'être infecté par la Covid-19 sans être vacciné ne semble toujours pas assez concret pour ces personnes, malgré les images de la souffrance de la pandémie quotidiennement montrées dans les médias.

Un manque de confiance

Un autre aspect entrerait en jeu, selon les experts : « La conséquence négative d'une vaccination, si elle se produit, est rapide, alors qu'il faut attendre des mois pour une conséquence positive », précise le psychologue. Plus une récompense se situe dans le futur, moins elle est pertinente pour une décision.

Kirsch et son équipe ont également découvert « l’existence d’une corrélation significative entre la volonté de se faire vacciner et la confiance dans les institutions gouvernementales, la science, les médias classiques et même dans les autres êtres humains ». Le rejet, dit-il, est associé à une augmentation de la mentalité conspirationniste.

Kirsch souligne que « tous les sceptiques de la vaccination ne sont donc pas des théoriciens du complot et il existe également une différence entre les opposants radicaux à la vaccination et les sceptiques ». Cependant, ceux qui ne sont pas sûrs d'eux rencontrent une communauté éloquente, notamment sur Internet. « Si on se sent exclu du courant dominant, on se rapproche encore plus de ceux qui se sentent également exclus », relève Kirsch. Résultat : cela renforce les hypothèses irrationnelles.

Cependant il existe une composante sociale à la vaccination. « Protéger non seulement soi-même, mais aussi la société dans son ensemble, est probablement un motif pour beaucoup de gens », estime également Kirsch. De nombreuses motivations des humains en tant qu'êtres sociaux sont fondées sur le fait que nous ne survivons qu’en tant que communauté. Par conséquent, la question de savoir comment accroître la volonté de vacciner au sein de la population est également cruciale. Comment ? « Nous devons prendre les gens au sérieux et renforcer leur confiance dans les décideurs et la médecine. », recommande Kirsch. Les sceptiques de la vaccination ne doivent pas être rejetés catégoriquement.

D’ailleurs comme le montrent les derniers chiffres, la volonté de vacciner a encore augmenté. En Allemagne, 61 % de la population (N.d.l.r. : 50.600.451 personnes, Statistiques du 2 septembre 2021) sont vaccinés. Déjà au début de l’année, Kirsch était déjà convaincu que la tendance à la hausse allait se poursuivre. « Le seul modèle de ceux qui, dans leur cercle d'amis ou de connaissances, ont été vaccinés et peuvent vaquer à leurs occupations un peu plus détendues, rester en bonne santé et n'avoir aucun effet secondaire grave, y conduira certainement. » En effet !

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