Covid-19 : la santé publique livrée au secteur privé ?

La décision du ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP) d’autoriser des agences des produits pharmaceutiques et des professionnels de la santé à importer et distribuer des vaccins suscite de vives inquiétudes au sein de la société civile. L’association des pharmaciens d’Haïti (APH) et l’Organisation des citoyens pour une nouvelle Haïti (OCHN) estiment que la vaccination relève de la santé publique, et garantir la santé de tous est une prérogative de l’État avant tout.

Pour l’Association des pharmaciens d’Haïti (APH) et l’Organisation des citoyens pour une nouvelle Haïti (OCHN), il n’est pas question de permettre à des entreprises et particuliers du secteur privé d’importer des vaccins anti-covid-19 dans le pays. Ils croient que c’est le devoir de l’État d’assumer sa responsabilité de garantir la santé publique en cette période de pandémie. L’APH et l’OCNH contestent la décision du ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP) d’accorder l’autorisation d’importer des vaccins anti-covid-19 à des entreprises du secteur privé.

Malgré l’opportunité d’affaires que présente la décision du MSPP, l’Association des pharmaciens d’Haïti préfère de prioriser la santé publique. Selon le président de l’APH, Pierre Hugues Saint-Jean, cette décision favorisera un prix exorbitant pour les vaccins. Ce qui, d’après le pharmacien, ne facilitera pas l’accès de ces inoculations à la majorité de la population. « C’est une décision exclusive », a-t-il marmotté, soulignant qu’elle creusera davantage le fossé entre les couches de la population, d’autant plus que la situation qui prévaut actuellement avec les tests payants de Covid-19 est très inégalitaire.

D’un autre côté, Pierre Hugues Saint-Jean évoque la circulation des contrefaçons de ces produits. Pour lui, la décision risque de faciliter l’entrée des faux vaccins anti-covid-19 dans le pays. Le président de l’APH explique que le MSPP n’a pas le contrôle de tous les circuits des produits pharmaceutiques dans le pays. « Avec une multiple source d’approvisionnements, la chaine devient plus vulnérable », indique le pharmacien, qui regrette qu’Haïti n’a pas un laboratoire de contrôle de qualité pour vérifier si un vaccin est faux ou pas.

Au niveau mondial, les faux vaccins anti-covid-19 sont déjà en circulation, selon M. Saint-Jean. Il a relaté que l’INTERPOL en a saisi des milliers au début du mois de mars de cette année. Pierre Hugues Saint-Jean a fait savoir que le directeur général de l’OMS a conseillé aux gens de ne pas utiliser des vaccins anti-covid-19 en dehors des programmes de vaccination gérés par l’État.

De son côté, l’OCNH se dit consternée par la décision du MSPP. Suivant l’organisation des droits humains, cette mesure expose les citoyens haïtiens au risque de payer au prix fort de faux vaccins vu que l'État n'a jamais pu protéger la population efficacement contre les faux médicaments ni contrôler réellement ceux qui circulent sur le territoire national. L’OCNH profite pour rappeler à la ministre de la Santé que l'État haïtien doit, en vertu de l'obligation qui lui est faite de garantir le droit à la santé, acheter des vaccins pour la population, il doit simultanément s’acquitter de sa responsabilité de respecter ses obligations internationales. « Le droit international relatif aux droits humains garantit à tous et à toutes le droit à la vie, à la santé et à un niveau de vie décent », signale l’OCNH qui dénonce du même coup le prix exorbitant de certains hôpitaux privés pour les patients de Covid-19.

Pour l’OCNH, « la vaccination est la pierre angulaire du système de soin de santé primaire et un des droits humains incontestable. Il s’agit aussi de l’un des meilleurs investissements de santé que l’argent des taxes des citoyens peut contribuer à acheter ». L’organisation appelle le MSPP à élaborer un plan national de distribution de vaccins anti-COVID-19 de telle sorte qu’ils soient accessibles à tous et toutes sans discrimination aucune.

Pour y arriver, l’OCNH recommande à l'État haïtien d’effectuer une réaffectation du budget de la République pour répondre à la pandémie de Covid-19 pour ne pas perturber d’autres services de santé tout en demandant à la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif de réaliser un audit des montants déjà dépensés l’année dernière.

Pour un partenariat public-privé

S’il ne faut pas accorder de droit aux importateurs de produits pharmaceutiques pour les vaccins anti-covid-19, le président de l’APH n’épargne pas pour autant la contribution du secteur privé dans une éventuelle campagne de vaccination. M. Saint-Jean invite l’État à s’approvisionner d’abord des vaccins avant d’impliquer le secteur privé. Il prend à titre d’exemple l’importation des produits pharmaceutiques contre le VIH et la tuberculose que le MSPP détient le droit d’importation en grande partie.

Woovins St Phard

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