L’affaire Petrocaribe et la réforme de l’État

Le dépôt, jeudi dernier au Sénat de la République, du rapport de la Cour supérieure des comptes sur le dossier Petrocaribe est un petit pas dans la bonne direction. Nous avons pris trop souvent lhabitude dans notre pays, en raison du désordre institutionnel, de fonctionner sur des rumeurs et le bruit sourd de la clameur publique, ultime recours face à la paralysie de la justice.
Désormais, nous sortons du jeu fatidique de la proie et de lombre. Les dossiers saccumulent. Les pouvoirs publics, la presse et lopinion publique en général commencent à mieux comprendre ce qui sest réellement passé sur la base de données, dont la technicité éloignant les risques de manipulation politique dénoncée par les uns et les autres.
Les deux rapports issus du grand corps en dépit de leurs failles techniques ont le mérite dexister et daiguillonner un problème grave qui risquait dêtre enseveli sous les gravats dune bureaucratie dont lopacité nest guère à démontrer. Celui de la Cour supérieure des comptes encore inachevé donnera du blé à moudre aux enquêteurs qui auront à travailler laspect pénal du dossier. Ceux qui seront indexés au cours de lenquête judiciaire qui ne pourra pas se poursuivre indéfiniment auront la possibilité de se défendre. Cest la seule manière déviter les amalgames et les stigmatisations non fondées. Et, lopinion publique connaîtra enfin la vérité sur ce dossier si vital dans la lutte contre la corruption, mais aussi pour une réforme de lappareil dÉtat. Car, sil y a sûrement eu trafics dinfluence, surfacturation, il y a aussi eu négligences coupables, management irresponsable, absence de contrôle de la part dordonnateurs publics.
Ces deux dernières semaines, lÉtat haïtien est en train de se renforcer avec de nouveaux corps de jeunes professionnels compétents. Une bonne nouvelle pour une administration dont les structures surannées et défaillantes remontent à des lustres. LOffice de management et de ressources humaines (OMRH) est donc à pied doeuvre et entend systématiser son projet de transformation des services publics. Dans cet ordre didée, si de nouvelles technostructures sont essentielles pour relancer une machine étatique déficiente et inopérante, lheure est venue de changer aussi de culture administrative.
Cest dans ce contexte que la vérité sur le dossier Petrocaribe va de pair avec la réforme de lÉtat. Lun ne peut aller sans lautre. Comment en effet prendre le risque de jeter dans les eaux glacées dune corruption deux fois centenaire et sans bouée de sauvetage de jeunes professionnels ravis de servir leur pays ? Placer les meilleurs cerveaux de la nation dans un environnement pollué continuellement par les agissements népotiques de politiciens traditionnels constitue un frein brutal à leur enthousiasme juvénile et à leur rêve éventuel de contribuer au relèvement dHaïti. Ces jeunes cadres lavés du « péché originel » de la nomination sur ordonnance ont besoin dun cadre de travail renouvelé où ils pourront profiter du support de certains de leurs aînés demeurés honnêtes.
Il est donc important de commencer à nettoyer les poches insalubres de nos services. Sinon, ce serait à coup sûr installer ces jeunes diplômés dans des pratiques marginales dont ils nauront dautre choix que den assurer la continuité.
Ces prochains jours seront décisifs pour tester la volonté de nos élus à combler les attentes dune population aux prises avec une chute monétaire aiguë qui surgit dans le sillage dune crise énergique de grande ampleur.
Roody Edmé
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